Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
En banlieue
22 juin 2008

Pourquoi une poétique de la banlieue?

Contrairement aux paysages de centre ville, qui sont directement lisibles ou qui, s'ils ne le sont pas, sont rendus lisibles par des guides touristiques, la banlieue est un champ difficile à discerner.

Sur cette photo, par exemple, l'oeil est forcément attiré par l'autoroute qui surplombe et scinde le paysage en deux univers distincts. En haut, les immeubles blancs de Villejuif donnent une luminosité intense à l'image. Ils sont organisés autour d'une fracture imposée par les petits immeubles au centre (le commissariat).

L_autoroute_A6___Arcueil

Au-dessous de l'autoroute, le bâti presque familial d'Arcueil apporte une touche de rouge, presque d'obscurité, au spectacle ainsi organisé autour de l'autoroute, comme une fracture naturelle, géologique, dans l'espace humain.

Cette image du Val de Bièvre résume bien la difficulté à lire le paysage de banlieue. La chaussée, l'utile, absorbe le regard et éclipse l'architecture des communes. Dans cet embrouillamini, la banlieue apparait comme un espace tout entier dédié à la production, et sa dimension humaine disparait. Il faut un effort de l'esprit pour la dégager, pour lui donner sens, et même pour en apprécier la beauté.

L'image suivante est prise sous l'autoroute A6, exactement à l'aplomb du tronçon vu sur la photo précédente.

Arcueil__sous_l_autoroute_A6

Ici, le paysage s'est transformé. L'autoroute apparaît toujours aussi envahissante dans l'espace. Vue d'en bas, elle ne ressemble d'ailleurs plus à une autoroute (du moins l'oeil non averti ne peut-il spontanément s'assurer qu'il s'agit d'une autoroute!). Elle est un élément du paysage, comme si elle avait été créée par la nature, à la manière d'un rocher. Au pied de cette anomalie géologique, les gens se rassemblent et font des fêtes. Soudain, l'utile, le laid, devient le contexte anecdotique d'une organisation humaine qui se déploie comme partout ailleurs.

La photo montre une fête de quartier où des musiciens produisaient du jazz écossais (!!!) devant une assistance clairsemée, en fin de journée.

C'est aussi cela, la banlieue: une colonisation par l'homme d'une nature hostile, d'un paysage hors norme. Dans cet effort de reconquête du réel, l'affectio societatis s'exprime avec bonhomie et convivialité. Non, la banlieue n'est pas cet espace de barbarie effroyable qu'on nous livre dans les médias. Elle est une terre des hommes, où l'oeil doit se métamorphoser, pour cesser de voir l'utile et pour accéder au pittoresque, au vivace, au sens.

L'urgence d'une poétique de la banlieue se manifeste ici. Arrêtons de voir dans ces espaces urbains un monde vide, une laideur productive. Regardons-les avec les yeux des poètes, et relevons-y les beautés insoupçonnées.

Publicité
Publicité
Commentaires
En banlieue
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité