Balade sur l'autoroute A6, entre Arcueil et Villejuif
Regarder la banlieue ne s'improvise pas.
Les obstacles qui s'offrent à l'oeil sont nombreux. L'autoroute prend une place envahissante dans l'espace ci-contre. Elle domine le paysage, comme s'il n'existait plus que pour elle et par le relief qu'elle lui donne. Sur ses garde-fous, des murs écrans anti-bruit dressent une muraille qui l'enferme et déforme le paysage.
Ici, la Maison des Examens à Arcueil se devine difficilement derrière les Plexiglas abondamment taggés. Quelques fougères parviennent néanmoins à survivre dans cette atmosphère fétide, et donnent une touche presque bucolique à cette désolation. Au fond, la banlieue est un prisme au travers duquel la réalité nous paraît forcément déformée.
Mais n'est-il pas aussi intéressant de regarder le prisme et d'en saisir la beauté?
Prenons un peu de hauteur et regardons la même autoroute, au même endroit, sans l'écran de Plexiglas. Elle n'apparaît plus que comme un fil qui délimite le paysage, comme une ligne d'horizon.
Derrière un liseré de verdure, la mince lanière de Plexiglas apparaît insignifiante sous des forteresses monumentales qui descendent en cascade vers le fond de la vallée. Des constructions presque baroques se serrent les unes contre les autres, comme une civilisation futuriste où la surpopulation oblige à l'exiguïté.
En modifiant quelque peu son point de vue, l'oeil découvre que, sous l'autoroute, au pied des forteresses, la vie suit son cours.
Dans une sorte d'indifférence à la monumentalité froide, des tentes sont montées et des gens se rencontrent pour se divertir. On boit du rhum, on écoute de la musique, les enfants jouent, on papote en les suivant du coin de l'oeil. L'espace qu'on imaginait mort ou désertique, est le lieu d'une vie indolente.
Contre toute attente, les piliers de l'autoroute sont devenus les piliers d'une grotte où, à l'ombre fraîche, des nomades passent un moment convivial ensemble. Les populations se brassent, les couleurs se mélangent. Le cadre est même verdoyant.
Au moment de quitter le village nomade, on emprunte des chemins de traverse.
Et c'est un monde bucolique qui se révèle à nous. Des sentiers ombragés, verdoyants, donnent l'impression que le paysage de banlieue, même au bord d'une autoroute, est une partie de la nature, comme si de tout temps la ville avait existé et s'était répandue ici sous la forme qu'on lui connaît.